La génomique, nouvelle arme contre la maladie
Image : Sébastien Thibault
La génomique, nouvelle arme contre la maladie
Image : Sébastien Thibault
« Ce n’est plus de la fiction, c’est la réalité », affirme la Dre Nada Jabado, oncologue pédiatrique et chercheuse à l’Université McGill, au sujet du rôle des gènes dans les soins de santé.
La génomique, une branche de la médecine qui s’appuie sur l’information contenue dans les gènes pour orienter l’intervention clinique, fait l’objet de nombreuses recherches. On l’utilise pour le traitement des maladies les plus résistantes, comme les cancers ou les maladies infectieuses qui touchent des millions de personnes dans le monde, de même que les maladies génétiques rares.
La Dre Nada Jabado est impatiente de commencer la phase d’essais cliniques de ses travaux en génomique, afin de rendre les traitements disponibles le plus rapidement possible.
Elle compte parmi la vingtaine de membres du nouvel Institut de médecine génomique Victor Phillip Dahdaleh. « Dans un institut de recherche de ce calibre, où se déroulent des travaux et des essais cliniques de la plus haute qualité, on attire l’attention dont on a besoin, souligne la chercheuse. C’est ce qui nourrit mon enthousiasme. »
L’Université McGill est déjà l’un des plus importants centres de génomique au monde. Fondé en 2022 grâce à un don de Victor Dahdaleh, DES en gestion (1975), l’Institut polarise l’expertise interdisciplinaire au sein de l’Université, de la Faculté de médecine et des sciences de la santé et des hôpitaux affiliés du Centre universitaire de santé McGill, afin d’ouvrir la voie à des traitements de plus en plus personnalisés.
La recherche a le vent en poupe à McGill. Le gouvernement du Canada a octroyé à l’Université la plus importante subvention de son histoire pour la création d’un programme de mise au point et d’administration de traitements génomiques à ARN plus inclusifs.
L’Institut de médecine génomique est le lieu idéal pour investir dans ces nouvelles technologies et ces traitements innovants. Nous créons une masse critique pour que les essais soient réalisés dans nos murs. »
Dre Nada Jabado
« Je vois l’immense potentiel de ces traitements »
Professeure de pédiatrie et de génétique humaine à l’Université McGill, la Dre Jabado étudie la génétique et l’épigénétique des tumeurs cérébrales chez les enfants, en vue d’améliorer leurs chances de survie et leur qualité de vie.
« En tant que médecin et chercheuse, j’ai besoin de comprendre pour pouvoir traiter, déclare-t-elle. Et pour comprendre, il me faut les bons outils. Le séquençage génétique est l’outil par excellence. »
« Le défi consiste à accélérer la disponibilité des traitements après leur découverte. »
L’urgence est proportionnelle à l’agressivité des cancers pédiatriques qu’elle étudie et qu’elle traite. Les enfants et leur famille n’ont pas le temps d’attendre l’arrivée d’un meilleur traitement.
« L’Institut de médecine génomique est le lieu idéal pour investir dans ces nouvelles technologies et ces traitements innovants, soutient la Dre Jabado. Nous créons une masse critique pour que les essais soient réalisés dans nos murs. »
L’Institut facilite en outre la participation des parties intéressées (patientèle, médecins, sociétés pharmaceutiques) aux travaux de recherche innovante.
« Je veux que les essais soient réalisés ici parce que les traitements arriveront plus vite dans les hôpitaux si les gens croient à leurs bienfaits, explique la chercheuse. Il s’agit de recherche et de développement. Nous excellons en recherche, et nous voulons développer. Je vois l’immense potentiel de ces traitements. »
L’importance des biobanques
Rob Scarborough (Ph. D. 2015), prend très au sérieux le développement de traitements.
Ce chercheur au laboratoire de la Dre Anne Gatignol à l’Institut Lady Davis de recherches médicales travaille à une thérapie génique contre le VIH. La Dre Gatignol est également membre du nouveau Centre des sciences de l’ARN de McGill (MCRS), créé en 2022 pour approfondir la longue expertise de l’Université en la matière.
La mise au point et la mise en marché accélérées de vaccins à ARNm contre la COVID-19 sont l’aboutissement de décennies de recherche sur l’acide ribonucléique (ARN) à l’Université McGill et ailleurs dans le monde. Nahum Sonenberg, professeur à McGill, est un expert renommé au Canada dans ce domaine.
Plus de 35 équipes menées par des spécialistes de McGill, sous la direction de Thomas Duchaine, sont réunies au MCRS pour faire avancer la recherche sur l’ARN, les CRISPS et d’autres technologies émergentes connexes, en vue de développer de nouveaux traitements vitaux et des outils diagnostiques et biotechnologiques.
« Le VIH comporte diverses facettes, explique Rob Scarborough. Il existe de nombreuses mutations et différentes souches. Nous devons donc trouver dans les génomes des sites similaires pour tous les variants. »
Pour cela, il faut avoir accès aux génomes de tous ces variants. Comme Rob Scarborough, d’autres chercheuses et chercheurs obtiennent les séquences génétiques des différents virus en puisant dans des bases de données ou des biobanques du monde entier.
Ces séquences sont ensuite comparées pour cerner la partie du génome qui leur est commune. Il faut étudier les génomes du plus grand nombre possible de souches du VIH pour déterminer la cible exacte des composés antiviraux.
« Il y a quinze ans, au début de mes travaux, j’avais à ma disposition environ 2 000 séquences du VIH pour représenter les variants en circulation dans le monde, que portaient près de 40 millions de personnes », se rappelle le chercheur.
Aujourd’hui, la technologie de séquençage des génomes permet d’obtenir les séquences de souches représentatives beaucoup plus rapidement et à moindres frais qu’avant.
Rob Scarborough précise que cette technologie est maintenant disponible dans les pays en développement, où le VIH sévit le plus. « Nous avons de la chance de pouvoir utiliser ces séquences pour concevoir de meilleurs traitements », conclut-il.
Les promesses de l’ARN
L’an dernier, en marge de l’ouverture de son Centre des sciences de l’ARN, McGill est devenue la première et, jusqu’à maintenant, la seule université canadienne à adhérer au programme de Moderna sur l’ARNm. Cette plateforme de recherche mondiale vise à accélérer le développement de vaccins et de traitements à ARNm contre les maladies infectieuses, ainsi qu’à maximiser leurs bienfaits.
Il offre aux équipes de recherche mcgilloises une voie rapide pour la conception de prototypes et la mise au point de vaccins et de médicaments expérimentaux. Les plus prometteurs passent plus vite à la phase d’essais cliniques, ce qui permet d’abréger le processus de développement pour apporter rapidement des traitements efficaces et sûrs aux personnes qui en ont besoin.
« C’est une chance incroyable de collaborer avec Moderna, se réjouit la Dre Jabado, soulignant l’impulsion que le programme donne à la recherche à McGill et ailleurs dans le monde. Nous étudions les protéines d’ADN et d’ARN et nous cherchons les moyens de les intégrer dans les traitements pour optimiser leur efficacité. Nous ne travaillons plus chacun pour soi. »
La génomique au service des personnes
Le juriste Yann Joly, quant à lui, s’intéresse à la dimension éthique, c’est-à-dire à l’accès équitable aux traitements génomiques issus des travaux d’universitaires comme Rob Scarborough et la Dre Jabado pour les populations du Canada et du monde entier, y compris les personnes ayant donné leur ADN à la recherche.
Il est directeur de recherche du Centre de génomique et politiques, un pilier stratégique de l’Institut de médecine génomique Victor Phillip Dahdaleh. Avec des collègues spécialisés notamment en médecine, en droit, en éthique et en politiques publiques, il se penche sur de nombreuses questions d’ordre socioéthique et juridique au sujet de la recherche en génomique.
« Nous devons voir les choses sous un angle international, soutient-il. Le Canada n’est pas le seul pays concerné. Les collaborations internationales sont nombreuses dans la recherche en génomique. »
Qu’il s’agisse de recherche sur des maladies rares ou plus courantes, nous avons besoin des données génétiques d’un échantillon diversifié de la population. Il faut parvenir à convaincre ces personnes des avantages qu’elles tireront de leur contribution à la recherche. »
Yann Joly
Il tombe sous le sens, par exemple, qu’un traitement contre le VIH soit offert dans le monde entier, à plus forte raison aux personnes qui ont fourni leur génome aux biobanques. « Ces personnes qui ont contribué à la recherche devraient être les premières à bénéficier du traitement », estime le juriste.
Il souligne que la nécessité d’obtenir l’adhésion des populations donatrices pour la recherche en génomique est en train de susciter un changement.
« Qu’il s’agisse de recherche sur des maladies rares ou plus courantes, nous avons besoin des données génétiques d’un échantillon diversifié de la population. Il faut parvenir à convaincre ces personnes des avantages qu’elles tireront de leur contribution à la recherche. »
Au Canada, les principes PCAP (propriété, contrôle, accès et possession) des Premières Nations ont servi de cadre pour l’établissement de la souveraineté de leurs données.
« Notre système de santé et la recherche en santé marginalisent depuis longtemps certains groupes démographiques, notamment les Premières Nations, pointe Yann Joly. Dans le domaine de la génomique, nous devons nous attaquer de front à ce problème. Nous ne pouvons pas ignorer ces populations, car nous avons besoin de leurs données pour alimenter les biobanques. Nous sommes obligés de les écouter, de tenir compte de leurs besoins et de calmer leurs inquiétudes. »
Comme la Dre Jabado, Yann Joly voit s’ouvrir une nouvelle ère où la génomique prendra une grande importance dans les soins de santé.
« Nous avons un vaste corpus de recherche, dit-il. Il est temps de passer à la vitesse supérieure et de vérifier si les résultats sont assez prometteurs pour les intégrer dans notre système de santé, puis de définir les méthodes les plus efficaces et équitables pour le faire. »
« Une chose est sûre, l’accent sera mis sur l’application clinique de la génomique dans les systèmes de santé, plutôt que sur la génomique dans la recherche. »