Mener les étudiantes et étudiants autochtones et noirs sur la voie de la réussite
Image : Judith Rudd
Mener les étudiantes et étudiants autochtones et noirs sur la voie de la réussite
Image : Judith Rudd
À son arrivée à l’École de travail social de McGill en 2021 pour poursuivre son doctorat, Oluwagbemiga Oyinlola s’est senti bien seul et désorienté dans ce nouveau pays auquel il devait s’adapter – qui plus est, en pleine période de restrictions liées à la COVID-19.
« Il n’a pas été facile pour moi de quitter le Nigéria pour venir étudier à McGill, confie ce lauréat d’une prestigieuse bourse d’études supérieures du Canada Vanier. Dans cet environnement très différent de ce que je connaissais, je me sentais isolé. J’ai souvent eu le mal du pays. »
Black Access McGill (BAM), une initiative de soutien aux étudiantes et étudiants noirs à l’École de travail social, a été sa bouée de sauvetage.
« BAM accueille les personnes noires dans un milieu sûr, où elles peuvent parler de leurs rêves et s’échanger des conseils pour s’adapter à la vie sur le campus, témoigne-t-il. On peut aussi y rencontrer des membres du corps professoral noirs et profiter d’un accompagnement pour établir un plan de carrière et rédiger un CV et des offres de service. »
L’École de travail social vient également en aide à d’autres groupes marginalisés. Ainsi, Indigenous Access McGill (IAM) soutient la réussite et l’intégration des membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
« Pour bon nombre de ces étudiantes et étudiants, c’est un immense défi de quitter leur communauté, commente Nicole Ives, directrice du programme IAM et professeure agrégée à l’École de travail social. IAM leur offre un accompagnement personnalisé tout au long de leur parcours. »
Comme bien d’autres initiatives pour l’équité, la diversité et l’inclusion, BAM et IAM existent grâce à la générosité de philanthropes. La Faculté des arts a fait une priorité du financement de ces deux programmes. En effet, les dons qu’ils ont obtenus, notamment par l’intermédiaire du Fonds McGill alimenté par des personnes diplômées et alliées de l’Université, ne couvrent pas entièrement leurs besoins en ressources.
L’École de travail social elle-même doit son existence à la philanthropie. En 1933, au cœur de la Grande Dépression, McGill s’est vue contrainte de fermer les portes de l’École. C’était sans compter sur la mobilisation d’un groupe de diplômées et diplômés et de citoyennes et citoyens engagés, qui ont maintenu l’établissement à flot jusqu’à ce que l’Université en reprenne les rênes, en 1945.
Ces personnes, souvent les premiers membres de leur famille à poursuivre des études supérieures, doivent quitter leur communauté, le noyau de la vie autochtone. L’isolement et la pression liée aux études peuvent devenir insupportables. »
Nicole Ives
Indigenous Access McGill
Lancé en 2007, le programme Indigenous Access McGill aide les Autochtones à s’acclimater à la vie universitaire. « Ces personnes, souvent les premiers membres de leur famille à poursuivre des études supérieures, doivent quitter leur communauté, le noyau de la vie autochtone, note la professeure Ives, également cofondatrice d’IAM. L’isolement et la pression liée aux études peuvent devenir insupportables. »
IAM leur offre un accompagnement lors du processus d’admission et des services d’orientation personnalisés selon leur programme d’études. Les Autochtones ont aussi accès à des services de mentorat et de tutorat, ainsi qu’à un espace d’étude et de rencontre qui leur est réservé à l’École de travail social. D’autres services sont aussi à leur disposition, comme l’aide à la révision des travaux ou le soutien aux personnes qui sont aux prises avec des problèmes personnels liés à leur santé ou à leur situation financière, par exemple.
Matthew Coutu-Moya (B.T.S. 2020) a traversé le pays jusqu’à McGill. Cet étudiant originaire de la Colombie-Britannique, d’ascendance michif et chilienne, exprime toute sa reconnaissance au programme IAM.
« En général, l’Université McGill n’est pas très accueillante pour les Autochtones, et ses nombreuses structures sont intimidantes, dit-il. J’ai trouvé à IAM le soutien dont j’avais besoin pour m’adapter et avoir le sentiment que j’ai ma place ici. »
Après l’obtention de son baccalauréat en travail social et du prix Gladys Fulford pour son engagement au sein d’IAM, Matthew Coutu-Moya a assumé la fonction de coordonnateur étudiant à temps partiel pour le programme. Il est depuis peu gestionnaire à temps plein de la Maison des peuples autochtones.
« Le travail social est un domaine exigeant, assure l’étudiant. Devant des cas complexes, on peut ressentir un malaise et toutes sortes d’émotions. Bon nombre d’étudiantes et d’étudiants autochtones éprouvent de la douleur et de la colère liées au traumatisme générationnel. En tant que coordonnateur à IAM, j’ai aidé des personnes à prendre conscience de ces émotions et à les vivre sainement. »
Le programme IAM est une réussite. Depuis sa fondation, 33 Autochtones ont obtenu leur diplôme de l’École de travail social. De plus, hors des murs de l’Université, le programme étend son action par des visites dans les écoles, des cercles de discussion et d’autres activités communautaires.
IAM a créé un ambitieux cours de terrain en études autochtones d’une durée de quatre semaines, en partenariat avec la Faculté de droit, la Faculté de médecine et des sciences de la santé et le Département d’anthropologie. Conçu par la professeure Nicole Ives, le professeur kahnawákeró:non Michael Loft (B.T.S. 1984, M.T.S. 2007) et la cinéaste mohawk Courtney Montour, le cours présente les coutumes, les valeurs et le mode de vie des Haudenosaunee (Iroquois) dans le cadre d’activités et d’ateliers quotidiens animés par des aînés et des membres de la communauté représentant les domaines d’études des participantes et participants.
« Le cours a évolué au fil des ans pour devenir un espace de réconciliation, où des personnes de tous les horizons s’initient aux cultures et aux visions du monde des peuples autochtones », souligne la professeure Ives.
Elle est fière de tout ce que le programme IAM a pu accomplir, tout en reconnaissant qu’il y aurait moyen d’en faire plus avec des fonds supplémentaires.
« Nous avons besoin de financement pour enrichir le cours de terrain et améliorer notre offre d’activités de développement professionnel, comme des conférences et des ateliers », dit-elle.
L’École souhaite en outre créer un programme de baccalauréat en travail social spécialisé pour la région du Nunavik dans le nord du Québec. « Nous tenons à centrer le contenu et l’enseignement du programme sur les façons d’être, de faire, d’apprendre et d’enseigner des communautés inuites, et sur la transmission du savoir sacré par le langage, les cérémonies et les traditions », précise la professeure Ives.
J’ai moi-même été la cible de racisme anti-Noir pendant mes études. C’est la raison pour laquelle je m’investis dans la création d’un environnement de soutien aux personnes noires et appartenant à tout autre groupe racisé. »
Charles Gyan
Black Access McGill
Inspirée du modèle d’IAM ayant fait ses preuves, l’initiative Black Access McGill (BAM) a vu le jour en 2020 et s’inscrit dans le Plan de lutte contre le racisme anti-Noir de l’Université.
Elle a pour mandat d’éliminer les obstacles structurels et organisationnels qui se dressent devant les Noires et les Noirs durant leur parcours d’études en travail social, et de favoriser le recrutement et le maintien aux études de ces personnes jusqu’à l’obtention de leur diplôme.
« Le parcours universitaire des personnes noires est semé d’écueils, souvent interreliés, déplore Charles Gyan, directeur de BAM et professeur adjoint à l’École de travail social. Le financement est un problème majeur, surtout pour les étudiantes et étudiants internationaux, qui ne peuvent pas toujours compter sur l’aide de leur famille pour payer les droits d’admission et les coûts de la vie. En s’aggravant, les problèmes financiers peuvent plonger ces personnes dans une situation d’insécurité alimentaire. »
Le programme BAM encourage les jeunes Noires et Noirs à faire une demande d’admission à l’École. Les personnes admises obtiennent ensuite des conseils et sont invitées à participer à des groupes de discussion sur des questions qui les touchent. BAM entretient en outre des partenariats avec des organismes communautaires qui servent une clientèle noire, en particulier des jeunes.
Le professeur Gyan tire une grande fierté du programme de mentorat pour les étudiantes et étudiants noirs en travail social. Celui-ci offre à celles et ceux qui entrent en première année un encadrement par des pairs bénévoles, qui les aident à forger des liens interculturels, à nouer des amitiés et à trouver le soutien nécessaire.
« J’ai moi-même été la cible de racisme anti-Noir pendant mes études, confie-t-il. C’est la raison pour laquelle je m’investis dans la création d’un environnement de soutien aux personnes noires et appartenant à tout autre groupe racisé. »
BAM espère obtenir des fonds supplémentaires afin d’élargir la portée de son action communautaire, d’organiser plus de cercles de discussion, d’améliorer son programme de soutien par les pairs aux candidates et candidats à l’admission et d’aménager un lieu de rencontre et d’entraide pour la communauté étudiante noire.